Ce texte n'est rien de plus qu'une note de lecture prise afin de préparer un article sur la « Critique de Google ». C'est encore moins: le compte rendu du compte rendu en anglais par Dennis Deicke du livre en allemand (langue que je ne parle pas) de Susanne Gaschke « Klick – Strategien gegen die digital Verdummung ».
Le titre peut être traduit par: « Clique – Stratégies contre l'abrutissement numérique ». L'auteure est journaliste au Die Zeit.
Susanne Gaschke s'élève contre l'usage non critique de l'internet et ceux qu'elle appelle les « digitalistes ».
Selon elle, le savoir – lire est la compétence la plus importante dans les sociétés modernes; mais les digitalistes lui substituent la compétence médiatique. Quelle que soit l'importance de cette dernière, le savoir – lire doit rester la compétence de référence.
Citant l'article de Nicholas Carr, « Is Google making us stupid », Gaschke soutient que la vitesse et l'agitation propres au numérique ont modifié nos modèles cognitifs.L'internet conditionne l'utilisateur à chercher d'abord des textes courts qu'il peut feuilleter brièvement et superficiellement. Il en résulte, pour Gaschke comme pour Carr, un véritable affaiblissement de notre capacité de concentration.
Le principal usage du nouveau média n'est pas la recherche d'information, par exemple dans une perspective politique. C'est la distraction, le loisir et la consommation marchande. Le problème ne peut donc être celui d'une pédagogie des usages de l'internet, puisque, fondamentalement, il n'est rien d'autre que le vecteur d'une distraction ininterrompue.
Les internautes ne lisent pas; ils survolent les sites. Dans la plupart des cas, l'image d'un usager sur-informé et critique ne correspond à aucune réalité. La numérisation affecte la capacité des internautes à lire attentivement, et à comprendre les choses comme un tout. « Trouver » (« finding » d'après Deicke) remplace « connaître ».
Opposée à l'égalitarisme dans la connaissance, Gaschke insiste aussi sur la distinction entre les adultes et les enfants. Se référant à Neil Postman, elle présente les adultes comme les gardiens de secrets qui sont révélés progressivement aux enfants. L'usage de l'internet les confronte directement à des secrets non transmis par les parents. La culture numérique ne sait rendre compte des secrets symboliques, les plus significatifs pour le passage à l'âge adulte. Simultanément d'ailleurs les nouveaux médias transforment les adultes et les reconvertissent en enfants.
L'auteure critique d'autre part l'utilité et le concept même de Web 2.0. Elle refuse les notions de « sagesse des foules » (« wisdom of the crowds ») ou de « co-production par les pairs ».
En tant que journaliste de la presse imprimée, Susanne Gaschke critique le remplacement des journaux par l'information en ligne. Elle réfute en particulier la personnalisation de l'information, (« customization »). Les journaux forment un ensemble; ils confrontent le lecteur avec une information et des opinions qu'il ne connaît pas, ou ne veut pas connaître et doivent être défendus pour cela.
Gaschke associe constamment la critique des médias numériques à celle des formes actuelles du capitalisme. La flexibilité est le maître mot de la « société de la connaissance » qui n'est pour elle rien d'autre qu'un des vocables de la propagande néo-libérale. La transformation des adultes en enfants est l'exemple parfait de cette flexibilité, de la même manière que l'enfant est le consommateur idéal.
Ces quelques notes de compte-rendu permettront à peine au lecteur d'avoir un aperçu du livre dont je me garderai bien de faire un commentaire. Mais je ne l'ai vu mentionner nulle part en français. Or il semble significatif et intéressant que l'Institute of Network Cultures, c'est-à-dire l'organisme animé par Geert Lovinck, propose un compte rendu aussi neutre, presque favorable du livre de Susanne Gaschke. De manière générale, le travail de Dennis Deicke pour préparer les rencontres “Society of the query”est très utile.
Susanne Gaschke, Klick – Strategie gegen die digitale Verdummung. Herder, Freiburg, 2009.
Dennis Deicke, “Neoliberal digitalism?”:
http://www.networkcultures.org
Que sais t-on réellement des utilisateurs de Google ?
Par ex combien sont ceux qui utilisent Google et ne lisaient pas ou peu de toutes façons ?
En d'autres termes y a t-il des études "sérieuses" qui comparent des "mêmes" populations à 20 ans d'écarts ?
j'en doute plus que fortement.
Rédigé par : antoine Valabregue | 01/03/2010 à 05:04
J’ai lu avec intérêt vos notes de lectures consacrées à l’essai de Susanne Gaschke. Votre recension me fait regretter qu’il ait échappé au dossier de synthèse consacré par notre magazine à la révolution numérique. Vous pouvez consultez le sommaire de ce numéro sur notre site et lire gratuitement en ligne certains articles : http://www.booksmag.fr/magazine/
Rédigé par : Louis Dumoulin | 23/07/2009 à 15:16
Suzanne Gaschke fait partie de ce que l'on appellerait en France une pro Hadopi militante considérant que la gratuité - voire le partage - prélude à la destruction de la culture.
Rédigé par : Bernard Umbrecht | 22/07/2009 à 17:29