Dans un interview récent pour Libération, Geert Lovink parlait, à propos de la situation actuelle de l'internet, de "balkanisation". Passablement dépréciatif, "balkanisation" a aussi une sonorité nostalgique. Et peut être y-a-t-il quelque chose comme une "West-algie" chez les pionniers de l'internet, y compris chez les activistes des médias tactiques. Visiblement l'Internet ne sera plus ce qu'il n'a d'ailleurs jamais été mais il en reste un pincement au coeur, une sorte de réflexe furtif: les choses auraient pu se développer autrement.
En tout cas, les faits sont clairs: on ne peut plus parler d'UN Internet; il faut parler des internetS.
Lovink dit:"Les utilisateurs ordinaires de l'internet ne sont pas obsédés parce qui se passe dans la sphère anglo-saxonne du net. Bien que, techniquement parlant, l'Internet soit encore un medium global, nous voyons se développer une "balkanisation" croissante, à partir de noyaux linguistiques (et aussi de certains états-nations). Je parle d'archipels importants, distincts, avec des dizaines de millions d'utilisateurs. Pensez simplement aux cyberespaces japonais ou coréens. Celui qui se développe le plus rapidement, le net chinois, est littéralement emmuré. Mais que savons nous réellement sur ce qui s'y passe?"
Et que savons nous sur l'internet en Algérie, où j'étais en Janvier avec une délégation de la Région PACA, invitée par la Willaya d'Alger et l'Etablissement "Arts et Culture"?
Bernard Stiegler a proposé le terme "adoption" pour l'usage des nouvelles technologies. Il renvoie à l'idée d'un choix de l'utilisateur et au fait que ce choix manifeste et organise une singularité. J'aime aussi le mot "appropriation", à cause du double sens d'approprié, "pertinent" et "soutiré". A l'origine, "s'approprier" signifie simplement "dérober", "braconner", et n'est pas si loin de "hacker" .
La notion de singularité numérique est assez claire (pas si claire) dans les anciens pays riches, dans la mesure où elle s'oppose à celle d'usage formaté par le marché. J'espère avoir été précis en Algérie sur les raisons pour lesquelles les technologies de l'information sont et deviennent de plus en plus culturelles. Mais le journal "La Nouvelle République" me présente finalement comme une sorte de traditionnaliste. En tout cas, je n'ai pas de recette sur l'adoption du numérique par tel ou tel groupe, voire des sociétés entières. C'est au moins une des choses que j'ai apprises en travaillant avec les Espaces culture multimédia et les Espaces publics numériques.
Le passage de l'internet aux internetS est une conséquence de la "guerre globale". Bien sûr, l'internet et la "société de l'information" étaient de purs produits du storytelling, pour reprendre l'analyse de Christian Salmon, et une forme pas si subtile de soft-power. Mais la nouvelle histoire est pire. La société de l'information doit être défendue pour quelques bonnes raisons qui ont pour nom: libertés, tolérance, ouverture d'esprit. En tout cas, adopter signifie choisir l'altérité.
Alger que je ne connaissais pas est une ville splendide et splendide aussi était l'accueil de Redouane Mohammedi, Chafia Benelkadi et de toutes les personnes d'Arts et Culture.
Je recommande le restaurant "Lous Pescadous", à Ain Benian (La Madrague), bien sûr pour les poissons.
Sur cette manifestation:
Articles dans El Watan (Kamel Benelkadi,16/01), l'Authentique (18-19/01), InfoSoir (Yacine Idjer 21-22/01), La Nouvelle République (Lamia S., 22/01), Le Jour (Irane Belkhedim, 22/01), Le Magreb (22/01).
Interview complet de Geert Lovink (j'ai retraduit à partir de l'original)
Lequel (Geert Lovink) sera à Beaubourg, Dimanche 17 Février, invité par Annick Rivoire, Poptronics:
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